Articles

Crise de Suez

L’Egypte s’empare du Canal

À Port-Saïd en Egypte, ca. 1910-1915.

Le canal de Suez relie directement la mer Méditerranée à la mer Rouge. Il a été construit par des ouvriers égyptiens sous la Compagnie du canal de Suez appartenant à des Français et des Britanniques et a ouvert ses portes en 1869. La société a été saisie et nationalisée par le président égyptien Gamal Abdel Nasser le 26 juillet 1956. Cette décision inquiète les gouvernements occidentaux, car le canal est une voie vitale pour le pétrole qui se rend en Grande-Bretagne. Si l’Égypte bloquait le flux de pétrole, Nasser pourrait gravement nuire à l’économie britannique.

La saisie égyptienne a eu lieu pendant la guerre froide, ce qui a encore accentué les tensions. La raison déclarée de la nationalisation du canal par l’Égypte était d’utiliser les péages maritimes pour financer la construction du barrage d’Assouan — qui promettait de contrôler les inondations sur le Nil et de fournir de l’hydroélectricité ainsi que d’autres moyens d’industrialiser le pays. Nasser a continué à exploiter le canal comme d’habitude, mais la Grande-Bretagne, la France et leur allié régional Israël ont commencé à préparer une réponse militaire. Nasser, quant à lui, a obtenu des armes militaires de l’Union soviétique.

Bombardement du Canal

Un pétrolier transportant des marchandises à travers le canal de Suez, 2008.

Lorsque la diplomatie n’a pas réussi à trouver une solution, la France, la Grande-Bretagne et Israël ont secrètement comploté pour attaquer, sans en informer les États-Unis, le Canada et d’autres alliés de l’OTAN. Les forces israéliennes ont avancé le 29 octobre à moins de 42 kilomètres du canal. La Grande-Bretagne et la France ont ordonné à la fois à Israël et à l’Égypte de se retirer de la zone du Canal (un mouvement pré-planifié avec Israël). Nasser n’a pas reculé. Le 31 octobre, la Grande-Bretagne et la France commencent à bombarder la zone du Canal.

Les États-Unis, ne voulant pas de guerre, avaient exhorté la Grande-Bretagne à rechercher la paix. L’agression britannique en Égypte a provoqué la plus grande fracture entre ces alliés importants au 20e siècle.

Le Canada devient Pacificateur

M. Lester B. Pearson s'adressant à l'un des comités à la Conférence des Nations Unies sur l'Organisation internationale à San Francisco, 1945.\u00a0

Publiquement, le rôle du gouvernement canadien était celui de conciliateur. En privé, cependant, Ottawa s’oppose fermement à l’action militaire, craignant qu’elle ne divise le Commonwealth, ne nuise aux relations avec les États-Unis et ne risque une guerre plus vaste.

Pearson était secrétaire d’État aux Affaires extérieures du Canada (ministre des Affaires étrangères) et dirigeait la délégation du Canada à l’ONU. Il avait joué un rôle important dans la création de l’État d’Israël en 1947. Il passe l’été et l’automne 1956 à travailler à une solution diplomatique à la crise de Suez. Lorsque cela a échoué et que le bombardement a commencé, Pearson a changé de tactique.

En collaboration avec des collègues de l’ONU, il a développé l’idée de la première force de maintien de la paix à grande échelle de l’ONU. À cette époque, des observateurs militaires de l’ONU étaient déjà utilisés pour surveiller les accords de cessez-le-feu au Cachemire et en Palestine, mais une force de maintien de la paix plus robuste et plus blindée n’avait pas encore été essayée.

S’adressant à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, en pleine crise de Suez, Pearson a plaidé en faveur d’une  » force de paix et de police », déclarant: « La paix est bien plus que cesser de tirer. »

Le 4 novembre, 57 États de l’ONU ont voté en faveur de l’idée et 19 se sont abstenus; aucun pays n’a voté contre la mission de maintien de la paix. Le lendemain, cependant, les parachutistes britanniques et français ignorent le vote et débarquent dans la zone du Canal.

Les États-Unis ont continué à faire pression sur le Premier ministre britannique Sir Anthony Eden pour qu’il trouve une solution pacifique. Un cessez-le-feu a été instauré à partir du 6 novembre et les casques bleus de l’ONU sont entrés plus tard dans la zone du canal. La solution de Pearson permet à la Grande-Bretagne, à la France et à Israël de retirer leurs forces sans donner l’impression d’avoir été vaincus. Une Force d’urgence des Nations Unies (FUNU) sous le commandement du général canadien E.L.M. Burns, y compris un contingent canadien d’approvisionnement et de logistique, était en place à la fin de novembre.

Membres canadiens de la Force d'urgence des Nations Unies (FUNU) à la frontière entre l'Égypte et Israël, 1962.

Pearson remporte le Prix Nobel de la paix

Pearson remporte le Prix Nobel de la paix en 1957 pour son initiative en Égypte. Dans son discours d’acceptation, il a souligné le rôle important du Canada dans cette percée.

« Je me rends compte également que je partage cet honneur avec de nombreux amis et collègues qui ont travaillé avec moi pour la promotion de la paix et de la bonne entente entre les peuples. Je suis reconnaissant des occasions qui m’ont été données de participer à ce travail en tant que représentant de mon pays, le Canada, dont le peuple a, je pense, montré son dévouement à la paix. »

Certains au Canada et en Grande-Bretagne se sont opposés au manque de soutien perçu par Ottawa pour la Grande-Bretagne. Lors de l’élection canadienne de 1957, les libéraux de Pearson, sous la direction du premier ministre Louis St–Laurent, sont accusés d’avoir trahi la Grande—Bretagne, toujours considérée par de nombreux Canadiens comme la Mère patrie. Pearson défend sa position comme le meilleur moyen d’arrêter les combats avant qu’ils ne se propagent. La vision hostile de certains Canadiens à l’égard du rôle de leur pays dans la crise de Suez aurait joué un rôle dans la défaite du gouvernement libéral aux élections nationales.

Pearson deviendra cependant premier ministre six ans plus tard, en 1963. Et son rôle dans la création de la première force de maintien de la paix moderne de l’ONU a ouvert la voie à l’avenir; les missions de maintien de la paix parrainées par l’ONU deviendraient la fière pièce maîtresse des activités militaires et diplomatiques du Canada dans le monde pour les décennies à venir.