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Le peroxyde d’hydrogène et l’anion superoxyde modulent la contractilité myométriale humaine enceinte

Discussion

L’accouchement vaginal spontané nécessite des contractions fortes et coordonnées de l’utérus pour propulser le fœtus dans le canal de naissance. Dans certains cas, les contractions peuvent provoquer une compression des vaisseaux sanguins alimentant l’utérus. La nature épisodique de ce processus est susceptible de déclencher une chaîne d’événements de reperfusion–ischémie qui entraînent la génération de ROS. En effet, le myomètre humain produit des ROS, dont les niveaux sont élevés pendant le travail (Zyrianov et al. 2003). De plus, le myomètre humain est doté de systèmes de balayage enzymatique (SOD, CAT, glutathion peroxydase) qui minimisent les effets potentiellement destructeurs des ROS (Telfher et al. 1997, Matharoo-Ball &Khan 2003).

Dans cette étude, nous avons exploré l’hypothèse selon laquelle les ROS modifient la contractilité du myomètre humain et que cela peut contribuer à perturber les contractions régulières coordonnées du myomètre pendant le processus de travail. À notre connaissance, il s’agit de la première étude à examiner les effets directs de l’anion O2 et de l’H2O2 sur les propriétés contractiles du myomètre humain. Nos résultats montrent que le H2O2 a provoqué une diminution des contractions du myomètre humain hors travail, qui a été considérablement réduite après l’ajout de CAT. Paradoxalement, Cherouny et al.(1989) utilisant des segments myométriaux de rats gravides ont montré que H2O2 augmentait la contractilité et que cet effet se produisait en même temps qu’une augmentation de la libération de prostaglandines-F2a et-E2. La disparité entre notre étude et celle de Cherouny et al.(1989) pourraient s’expliquer par des différences d’espèces dans le contrôle de la fonction myométriale, de la gestation et de la parturition.

Il existe de plus en plus de preuves que le H2O2 peut exercer ses effets à travers de nombreuses cibles cellulaires comprenant des canaux ioniques membranaires. Des taux élevés d’i déclenchant la mort cellulaire ont été liés à l’action de H2O2 sur un canal cationique non sélectif dans les cellules CRI-G1 de rat (Herson et al. 1999). Cependant, des niveaux élevés d’i, provoqués par H2O2, peuvent également activer les canaux BKCa pour favoriser la relaxation, comme le montre la trachéale canine (Janssen et al. 2000). Les canaux BKCa sont exprimés à haute densité dans les cellules myométriales et sont des molécules effectrices importantes qui médient la relaxation. Notre observation que le prétraitement des bandelettes myométriales avec du THÉ de 1 mM, une concentration extracellulaire qui bloque spécifiquement les canaux BKCa (Khan et al. 1993), n’a pas surmonté les indices de relaxation induits par H2O2 sur l’implication d’autres mécanismes. Dans la trachéale canine, on pense que les relaxations déclenchées par H2O2 et OH• agissent via plusieurs sous-types de canaux ioniques différents (Janssen et al. 2000). Il est donc possible que les effets H2O2 découverts dans notre étude impliquent de la même manière plus d’un ROS particulier agissant pour modifier la fonction utérine.

L’hypoxie expérimentale est liée à une réduction de la force des contractions myométriales, mais il est loin d’être clair comment et pourquoi les contractions utérines diminuent pendant certains travaux. Bien que sans doute dû en partie aux demandes d’énergie excessives de l’utérus pour soutenir le travail ainsi qu’à la puissance des contractions, nous avons émis l’hypothèse que les dommages cellulaires aux éléments contractiles, dus à l’activité du ROS au niveau des cellules musculaires, interféreraient avec cette cascade. Nos propres observations suggèrent que de courtes insultes hypoxiques réduisent de manière réversible la force contractile des bandelettes myométriales humaines. Cependant, une exposition prolongée à l’hypoxie (> 40 min) a entraîné l’abolition des contractions myométriales (A Y Warren & R N Khan, observations non publiées) compatible avec nos données révélant une diminution de la contractilité utérine avec l’anion O2. Cette conclusion est également en accord avec un certain nombre d’études faisant état de propriétés contractiles altérées chez la trachée canine (Janssen et al. 2000), la trachée de cobaye (Matyas et al. 2002) et le diaphragme de rat (Callahan et al. 2001) muscle lisse. Il est significatif que la relaxation produite par l’anion O2 avec XO dialysé était beaucoup moins importante que celle évidente avec XO non dialysé et soulignait l’importance de contrôles appropriés. En revanche, Masumoto et coll.(1990) ont signalé une augmentation de l’I induite par l’O2 dans le myomètre humain. Ils ont postulé que cela se traduirait par une contractilité myométrique accrue. Cependant, ces observations opposées peuvent s’expliquer par les différentes techniques employées dans les deux études où Masumoto et al.(1990) ont utilisé la microscopie numérique pour évaluer les changements dans les concentrations d’i tandis que la présente étude a étudié les effets de HX / XO directement sur les contractions myométriques. Masumoto et coll.(1990) ont également utilisé des cellules dispersées par voie enzymatique, il est donc difficile d’étendre simplement ces résultats à des bandes tissulaires susceptibles d’avoir des voies de signalisation intactes. Il est également possible que l’O2−endogène se dismute spontanément en H2O2. Contrairement à l’anion O2 imperméable, H2O2 traverse les membranes biologiques avec une relative facilité, ce qui peut signifier que les actions de H2O2 sur les cellules isolées sont probablement plus rapides. Cela étayerait notre constatation que H2O2 et O2− altèrent la fonction myométriale. L’absence d’effet de SOD / CAT sur les bandes tissulaires contractantes sans HX / XO suggère que la capacité antioxydante de nos préparations myométriales est très efficace pour éliminer les ROS. Ceci est corroboré par nos découvertes selon lesquelles le myomètre humain exprime des niveaux élevés de Cu/Zn-SOD et de CHAT (Matharoo-Ball &Khan 2003).

Lorsque la production de ROS dépasse la capacité de piégeage des défenses antioxydantes myométriales, un stress oxydatif peut survenir, entraînant un dysfonctionnement cellulaire et des lésions tissulaires. La gravité de la fatigue musculaire pendant un travail prolongé est exacerbée par les actions du ROS. L’un des résultats délétères des dommages au ROS, la peroxydation des lipides, entraîne une altération de la fluidité membranaire et une perturbation membranaire locale de la bicouche lipidique qui peut perturber les réseaux de signalisation natifs, affectant ainsi négativement la fonction musculaire. Une meilleure compréhension des voies physiologiques qui modulent les effets médiés par le ROS sur la contractilité utérine aidera à définir les processus complexes qui sous-tendent la parturition (terme et prématuré). Cela peut conduire à de nouvelles approches scientifiques pour gérer les travaux dysfonctionnels, éventuellement en limitant la production de ROS par la stimulation de voies antioxydantes enzymatiques ou non enzymatiques.

En conclusion, les effets de l’anion H2O2 et de l’anion O2 sur la contractilité myométrique mettent en évidence les interactions complexes qui existent entre la signalisation du ROS et le contrôle de la fonction musculaire dans le myomètre humain enceinte. Déchiffrer les voies par lesquelles ces oxydants opèrent peut augmenter de nouvelles opportunités thérapeutiques en obstétrique.